mercredi 21 juin 2017

"Mrs Dalloway" de Virginia Woolf.

Virginia Woolf, sa vie, son œuvre …

Le livre de poche - 1925 -
220 pages.
Romancière anglaise, elle est née le 25 janvier 1882 à Kensington, l’un des quartiers chics de la bourgeoise londonienne. Elle est la fille de Sir Leslie Stephen et de Julia Stephen Duckworth. Elle reçoit une éducation riche et diverse peu conventionnelle où la curiosité intellectuelle est de mise. En 1895, sa mère décède, première perte qui la fragilise psychologiquement. Avec son frère Thoby et sa sœur Vanessa, elle appartiendra au fameux groupe de Bloomsbury, un mouvement intellectuel qui bouscule la société bien-pensante. Là, elle rencontre Leonard Woolf, l’épouse et fonde la «  Hogarth Press », qui publiera tous ses romans. Cette indépendance lui permet d’aller au bout de son art, sans avoir à plaire à un éditeur. Auprès de Leonard, Virginia est apaisée. Mais elle ne connaîtra la passion qu’auprès de femmes, dont l’écrivaine Vita Sackville-West, ce qui conduira certains à voir en elle une pionnière de la bisexualité. Durant toute son existence, hallucinations et idées morbides l’affaiblissent. Le 28 mars 1941, ultime tentative de suicide, les poches pleines de cailloux, dernière promenade, Virginia se jette dans la rivière Ouse. Son corps sera retrouvé trois semaines plus tard.
Une biographie, « Virginia Woolf » de Viviane Forrester.
Un choix très subjectif, parmi ses œuvres les plus emblématiques : 1915 - « La traversée des apparences » ; 1922 – « La chambre de Jacob » ; 1925 – « Mrs Dalloway » ; 1927 – « Promenade au phare » ; 1928 – « Orlando » ; 1931 – « Les vagues ».
Une romancière anglaise qui m’est chère ; liée à des souvenirs de lecture de jeune fille... Comme aujourd’hui, premières chaleurs estivales, début de longues vacances qui m’offraient la possibilité de choisir de découvrir des romans et des auteurs ! Cette relecture s’est imposée suite à la lecture du roman « Les heures » de Michael Cunningham. Une irrépressible envie de replonger dans l’univers si spécial de Virginia Woolf …Petit aparté, j’ai même retrouvé le jumeau du poche que je possédais à l’époque !!! (Les braderies, des joies sans fin). 
Le roman …
A Londres, pendant une seule journée de 1923, rythmée par les coups de cloches de Big Ben, nous suivons  deux personnages principaux, qui sont Clarissa Dalloway, une femme au foyer de la bourgeoisie londonienne, d’une cinquantaine d’années (sort d’une longue maladie) et Septimus Warren Smith, vétéran de la Première Guerre Mondiale atteint de psychose post-traumatique. Ils ne se connaissent pas ; ils se croiseront sans jamais s’appréhender !  Le roman s’ouvre sur Mrs Dalloway qui sort acheter des fleurs pour sa soirée mondaine. Ne cherchons pas d’action, seulement des monologues intérieurs ; leurs pensées et intimité se révèlent au détour de promenades, d’errance au travers de la ville. Tour à tour, ils effleurent d’autres protagonistes qui eux-mêmes se dévoilent au gré leurs pensées. Peter Walsh, l’amour d’autrefois de Clarissa, ressasse ses souvenirs, sa jeunesse. Miss Kilman, professeur d’Elisabeth (fille de Clarissa),portrait tracé au fusain qui illustre la femme de petite condition malmenée par la naissance et la  vie, très instruite, aigrie par la force des choses, juge et dresse un portrait assez cinglant de Mrs Dalloway, la mondaine. Quant à Elisabeth, jeune femme qui cherche à s’émanciper, symbolise la nouvelle société émergente conséquence du conflit 1914-1918. L’auteur a choisi de présenter les faits de façon simultanée ; elle a recours au discours indirect libre, à l’épanchement intérieur et à la superposition des points de vue de chaque personnage. Les faits du récit aident seulement à comprendre l’existence, le passé, des prétextes pour amener les états d’âme de tout un chacun. Pas de chapitres, seules les heures égrenées par l’illustre horloge scandent les multiples soliloques !
Virginia Woolf aborde un thème résolument nouveau pour son époque, celui de l’altérite : avec Mrs Dalloway, femme publique, d’un certain rang social  et Clarissa qui flotte entre ses pensées très personnelles. Ce genre de dichotomie s’effectue aussi pour les autres personnages du roman. Autre thème très présent dans roman : la mort. Elle se glisse subrepticement  dans chaque monologue, sans rien ôter au texte, mélange tout en douceur quasi naturel.
Et bien sûr l’eau, un élément  présent, quasi obsessionnel, sujet à toutes les métaphores dans les romans de Mrs Woolf.
" L’oubli, chez les hommes peut blesser ; l’ingratitude irrite, mais ce grand courant, qui roule sans fin, une année après l’autre, emporte tout ce qu’il rencontre, ce vœu, ce camion, cette vie, cette procession, les enveloppe et les entraîne ; de même le torrent d’un glacier prend un ossement, une fleur bleue, un tronc d’arbre et les roule." p 160 .
Virginia Woolf cherchait une nouvelle forme d’écriture réaliste. Son roman « Mrs Dalloway » met en scène des personnages avec leurs sentiments, leurs choix ; leurs identités propres. Rêveries, réflexions, leurs corps sont ancrés dans le présent, mais leurs esprits s’échappent, noyés dans leurs pensées. Par certains côtés, la réception m’a rappelé les soirées du « Temps retrouvé » de Marcel Proust. Le temps qui file, les souvenirs et le passé qui s’invitent ; les mondanités auxquelles les personnages s’accrochent … Une lecture nostalgique, toujours un coup de cœur, je suis restée bercée par le ressac des mots, des phrases  de ce grand et formidable écrivain  qu’a été et restera pour toujours « Madame Virginia Woolf »
"L’amour… mais ici l’autre cloche, la cloche qui, toujours, frappe deux minutes après Big Ben, arriva tout affairée, les mains pleines de bagatelles qu’elle lança par terre comme si c’était très bien que Big Ben, avec sa majesté, fi la loi, si solennelle, si juste, mais qu’il y eût encore toutes sortes de petites choses qu’il ne fallait pas oublier –" p 148. 



 "Car, voici la vérité sur notre moi, pensa-t-il, sur notre âme qui habite des mers profondes et navigue, comme un poisson, entre des choses ténébreuses, se faufile entre les troncs des algues géantes, traverse des espaces pointillés de soleil, et s'enfonce dans l'obscurité froide, profonde, impénétrable. Soudain, elle s'élance à la surface et bondit sur les vagues que le vent ride, ce qui veut dire qu'elle a un besoin réel de se frotter, de se nettoyer, de se réveiller, de bavarder." p 184.

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